En fin d'après-midi, un surveillant est venu mettre la clef dans la serrure et rouvrir la porte de la salle peinture. J'ai salué Jean-Claude, il m'a encore dit deux, trois mots. Et je suis parti. A nouveau les couloirs, les portes, le bureau des SPIP pour déposer le matériel qui n'avait servi à rien. Maintenant, j'avais hâte de retrouver l'extérieur, de respirer à plein poumon...

Soudain, dans la discussion, Jean-Claude m'a demandé de me glisser quelques instants dans sa peau d'homme évadé de prison, en pleine cavale. C'était comme une sorte de quizz géant... Evidemment, je n'avais pas beaucoup de bonnes réponses.

Lorsque Jean Claude s'est mis à me raconter quelques bribes de sa vie de gangster, tout de suite des images sont nées dans un coin de ma tête. Je ne peux pas m'en empêcher. C'est mon lot quotidien de dessinateur, de raconteur d'histoire. A l'époque, je n'avais pas de contrat bd, ni de deadline à respecter. Alors j'avais du temps. Du coup, je me suis mis à fabriquer une petite animation pour illustrer cette séquence, pour mettre en images ce que j'avais ressenti, vu. Chaque jour, elle prenait plus d'ampleur. 

Et j'avais une chanson toute trouvée pour sonoriser la séquence, Police on my Back des Clash !

En parlant avec Jean-Claude de peinture, de perspectives, de technique, j'oubliais quelques instants où j'étais. Mais le surveillant n'allait pas tarder à me le rappeler...

C'était l'heure. J'allais maintenant passer la première grille et découvrir la partie "détention"...

J'allais maintenant découvrir ce qui se cachait derrière ces hauts murs de béton. Mais il fallait d'abord que je suive les multiples procédures obligatoires...

Janvier était arrivé. Les semaines précédentes, je m'étais posé beaucoup de questions, me demandant comment ça allait se passer, si j'étais à la hauteur pour ce genre de job...
Mais aujourd'hui, c'était différent.

Trois mois avaient passé. J'étais en train de boucler le dernier tome de L'Affaire des Affaires, plus de 700 planches de bande dessinée étalées sur un peu plus de 4 ans, quasiment une page par jour si on enlevait les week-ends, les vacances. J'avais complètement oublié ma discussion avec Gilles. Et puis, j'avais répondu de manière légère, un peu hypothétique. Ce que je ne savais pas encore, c'est qu'il en avait parlé depuis...

Tout a commencé il y a cinq ans et demi. Au mois de juillet 2011 exactement. Il faisait beau et j'étais parti me balader en ville avec mes garçons.Sur la place de la mairie, j'ai croisé mon pote Gilles, photographe et vidéaste, et sa fille. ça faisait un petit moment qu'on ne s'était pas vus...